Monday, November 30, 2009

Sophie Képès sur Vladimir Zagreba

"Le Chameau volant" vu à vol d'oiseau




BALAI RUSSE
Vladimir Zagreba. Chameau volant. Traduit/adapté du russe par Annie Sylvestre-Roma, Gutenberg éditions, 2007, 696 p., 29 €.

Ceci n’est pas un livre.

Ceci est un parallélépipède noir, sans titre, sans auteur.

Attention en ouvrant : ça pourrait vous exploser entre les mains et vous endommager la cervelle.

Comment aborder cette boîte de Pandore ? Je conseillerais l’imprégnation, l’osmose, la capillarité... La lecture est à proscrire absolument. Prudence.

L’auteur (il y en a un) et son (admirable) traductrice font subir les derniers outrages au lexique. Stratégie très personnelle d’appropriation de la langue française, hein, V(i)olodia ? Un viol concerté, avec des témoins qui deviennent des complices... C’est grave. Appelons le Sinistre de l’Intérieur. Qui est aussi celui de l’Identité Nationale. Celle-ci est en danger.

Un texte échevelé, incontrôlable, torrentueux. Les constellations de mots se succèdent, s’empilent, s’accumulent, s’entre-dévorent. Une éruption solaire après l’autre. Zagreba aurait-il inventé l’écriture fissile ? Tous aux abris.

Joyce ? On y pense, bien sûr. Mais je penche pour Rabelais. Prince du jeu de mots, roi du néologisme, Zagreba. Oh, comme il en veut à la langue de Molière, de Voltaire, de Flaubert... Méchant garnement.

Un livre « illisible », dixit son éditeur. Par un « auteur maudit », dixit l’un de ses proches. Tout cela est vrai – et pire encore.

Allez-y voir par vous-même !

(Pourquoi « Balai russe » ? – Pour la même raison que « Chameau volant ».)

Sophie KEPES