Saturday, January 27, 2007

Les funérailles de l'Abbé Pierre



L’Abbé Pierre n’était pas hostile à l’Etat tel quel, mais il intervenait dans la politique d’une façon inattendue, à sa manière. Est-il possible d’appliquer son expérience, de définir ses méthodes ? Pas évident. Certaines actions, peut-être – les campeurs du canal Saint-Martin ont recréé les tentes d’Emmaüs de 1955.
L’Abbé appela à rester ouvert devant l’inattendu. C’est énorme. Tout le monde a cette attitude sécurisante qui consiste à classer un événement et à réagir selon. En fait, il réagissait comme un poète, un artiste. Suivant l’inspiration, l’intuition dans le domaine où, normalement, on calcule et on joue.
Il a prévu le scénario de ses obsèques. Pas étonnant, son choix des lectures évangéliques, de 1 Cor. 12 et 13, sur l’amour, et le perçant épisode d’Emmaüs : « Reste avec nous : le soir approche et déjà le jour baisse ».
Piquante, était une réponse : « Voici que je vous envoie, comme des brebis parmi les loups… » – accompagnée des visages de dirigeants politiques sur l’écran géant.



On a dit que les politiciens cherchaient à «récupérer » l’Abbé, à se servir de son image pour se faire vouloir. S’insinuer à sa gloire. Certes. Mais pouvait-on imaginer autrement ? En fait, ils n’avaient pas le choix : qui parmi eux aurait osé ne pas venir ? Jack Lang suivait l’élévation en bon catholique. Et voilà que les pauvres politiciens ont été très bien nourris, et en public, par des récits sur la misère des gens. Dérangés par des éloges à la bonté humaine ! Peut-être un quart de goutte de tout ça restera-t-il dans leur mémoire. Lorsqu’on porta le cercueil, les enfants de Don Quichotte, alias les campeurs du canal Saint-Martin, ont hissé une tente au-dessus de la foule. Il est amusant de supposer que c’est bien l’Abbé défunt qui avait «récupéré » les politiciens, toute cette équipe des « finances libérales ». Les chemins de Dieu sont insondables.