Saturday, July 08, 2006

Ma campagne électorale à la Maison des Ecrivains

P uisque tout le monde en a une, moi, j’ai décidé de proposer ma candidature à l’Assemblée. Cette décision a éclot grâce à une citation d’Alexandre Zinoviev tombée sous mes yeux récemment, dans un nécrologe : « Il faut se battre non pour changer la vie, mais pour y participer ». J’ai donc écris une lettre aux adhérents de la Maison des Ecrivains accompagnée d’une biobibliographie et l’ai envoyée au Président de l’association.

Ce 29 juin, pour y aller j’ai pris mon vélo. Hélas, la chambre à air de la roue arrière déjà dégonflée était complètement crevée, m’obligeant à prendre le bus. Je commençai à être en retard: le soir, Paris devient impassable, puisque tout le monde d’un seul coup se déplace. Echappement, puanteur, irritation, promiscuité, et maintenant encore la chaleur collante de l’été.

De plus, le quai de la Seine était fermé pour travaux, et le bus grimpa lourdement la colline du Trocadéro pour redescendre ensuite à l’Alma. Devant le pont de la Concorde le bus était tout englouti dans la masse du trafic. Je continuai à pied, traversant le pont vers l’Assemblée Nationale et ensuite vers la Maison de l’Amérique Latine où se tenait l’Assemblée de la Maison des Ecrivains.

Mais elle n’était pas encore commencée. Une sorte de gêne planait dans l’air. On donnait des bulletins de vote, des personnes votaient tout de suite, à la différence des élections de l’année précédente; alors les candidats se présentaient d’abord en live.

Le règlement sur le bulletin disait qu’il devait être mis dans une enveloppe cachetée. Je signalai à une dame évidemment responsable qu’il n’y avait pas de colle sur mon enveloppe. Elle dit que ce n’était pas important. J’eu un pincement au cœur. On sait que des grands événements sont décrits avec des petits caractères, et d’après un seul trait on peut prévoir le résultat final. Cette méthode de lecture des événements est commode et fiable, même si un manque de discernement peut amener à la superstition.

D’autres choses se révélaient ne pas être importantes. Insuffisante quantité de dossiers pour tous les électeurs, absence du rapport du trésorier dans les dossiers. Le président remarqua que le copiage n’était pas sa tâche, et une personne responsable à côté de lui annonça que la photocopieuse toute neuve de la Maison était déjà en panne. Une dame organisatrice me conseilla de m’adresser à ma voisine. Ainsi je fis la connaissance d’une sympathique Catherine.

Soudainement, des gens commençaient à discourir dans la salle, l’un après l’autre ! Ils critiquaient le conseil d’administration, pour son formalisme et son manque de convivialité! Mais encore, l’Association, seule parmi bien d’autres, n’avait pas protesté contre la diminution des subsides pour la culture ! Le rapport moral ne mentionnait même pas ce problème, il n’avait donc aucune valeur. Assez de langue de bois !

Alors un léger embarras se manifesta parmi les membres du présidium, mais le Président rappela l’audience au calme et déclara qu’un déroulement pareil de la séance risquait de la retarder encore; d’ailleurs, il y avaient des personnes que ne voulaient que ça ! Quant aux rapports, moral et autres, c’était «du rituel». Une question tel un éclair me traversa l’esprit, n’était-il pas, à l’instar de Sollers, élève des jésuites?

Certains éléments des discours me paraissaient pleins de bon sens, une fois je dis même « bravo ! » à haute voix. Il y avait des adhérents qui se retournaient pour me regarder. Brusquement, un candidat prénommé B... intervint, amèrement déplorant ne pas être une seul fois vainqueur aux élections. Ceci jeta un ombre sur le bons sens de l’opposition et permit au Président de ridiculiser ses propos. – Voilà que Monsieur B... se présente! exclama-t-il, souriant.

Alors le présidium invita à voter, ceux dans la salle qui n’avaient pas voté à l’entrée. Les personnes de confiance commencèrent à distribuer les papiers mais encore une fois quelqu’un dans la salle appela à observer le règlement et à donner la parole aux candidats.

Le président prononça le nom du premier; hélas, il n’était pas là. Ensuite, on m’appela. Je me levai et dis bonjour à tout le monde, mais une dame dans le présidium (discrète jusqu’à là mais sans doute puissante) me coupa la parole en disant que la séance était déjà très retardée. – Je voudrais quand même dire quelques mots, dis-je, souriant. La dame dit alors, que beaucoup de choses étaient déjà dites et, finalement, il n’y avait plus rien à dire. Alors je dis que je voulais tout simplement demander quelque chose. – Bon, d’accord, dit la dame, mais essayez d’être bref parce qu’on a déjà perdu beaucoup de temps. – Puis-je savoir si ma lettre de candidature était parvenue aux adhérents ? – Oui, bien sûr, dit le Président, souriant. – Sûrement, vous l’avez reçue, Monsieur, mais les autres assis dans la salle ? On vient de dire que la copieuse était en panne, et que certains documents manquent. – Des électeurs riaient dans la salle, et des voix étaient entendues : – Reçue, reçue ! – Très bien, très bien, c’est déjà énorme, dis-je. – Merci de votre attention.

Puis on annonça une pause, pour terminer le vote. J’avais un sentiment d’inutilité. Tout fut décidé. Même si, par miracle, j’avais été élu, je ne pourrais pas regarder dans les yeux, la puissante dame, qui avait dépensé deux de mes trois minutes pour m’empêcher de parler. D’ailleurs, à l’égard d’un étranger, ceci n’est pas très difficile.

Je pris donc un bus pour venir jusqu’au lieu où j’avais laissé ma pauvre bicyclette, la ramenai à Passy. Je démontai la roue arrière, ayant l’intention de commencer le jour suivant par la réparation de la chambre à air.

Ah ! Voici ma lettre de candidature.



Monsieur J.-M. Maulpoix
Président de la Maison des Ecrivains
53, rue de Verneuil
75007 Paris

Paris, le 29 mai 2006


Chers Amis et Collègues,

J’ai l’honneur de proposer ma candidature au Conseil d’administration de notre Association.
Nous appartenons à la « communauté des lettres » dont les caractéristiques comme personnalisation et informel sont très importants étant même au cœur des tous les arts y compris le nôtre.

Mon souhait à être utile dans ce sens à l’Association s’est formé, comme cela arrive, grâce à une situation concrète. Etant invité pour les préliminaires du Salon du Livre « russe », ma participation n’a pas été mentionnée dans le Bulletin de notre Association, à côté des autres participants venus de la Russie. A mon étonnement amère devant cette marginalisation, le directeur d’alors, sans une note d’excuse, avait parlé d’une liste du ministère de la culture reproduite telle quelle.

La rigidité protocolaire est dangereuse pour la vie associative. L’autre danger est de pair et de taille, à savoir, ce « Clear Stream » de la promotion littéraire industrielle que l’on observe avec Da Vinci Code et Harry Potter et bien d’autres, qui exploite et usurpe le désir naturel et sympathique de l’homme, d'apprendre enfin quelque chose de vrai.

Mon intention est de contribuer à ce que l’activité de notre Association soit plus résistante concernant ces deux dangers mortels.

Bien cordialement,


Final